En ce printemps 2019, toute la ville de Bordeaux (ou presque) attend avec impatience la fin de la saison de football en espérant que les Girondins feront mieux la saison prochaine. Il y a quelques semaines, nous vous dévoilions les 15 sites touristiques incontournables pour bien visiter Bordeaux. Si le Miroir d’eau, la Tour Pey-Berland, la cathédrale Saint-André ou encore la place de la Victoire et la rue Sainte-Catherine font partie des fiertés de celle qui est surnommée la « Perle d’Aquitaine », on ne peut pas vraiment dire la même chose du stade Matmut Atlantique, qui a vu plus de défaites que de victoires de la part du Football Club des Girondins de Bordeaux ces derniers mois.
Et les prochaines semaines ne promettent pas une ambiance plus animée dans le stade puisque le Mondial féminin 2019, qui se déroulera en France et qui est très attendu, ne passera pas pae Bordeaux. Aucun match n’aura malheureusement pas lieu dans le Sud-Ouest. À ce sujet, si, actuellement, la Coupe du Monde de football féminin commence à occuper les gros titres de la presse française, on remarque qu’un autre sujet fort marque l’actualité sportive depuis quelques semaines : longtemps laissé de côté et considéré comme tabou, le sujet de l’homosexualité dans le sport débarque sur le devant de la scène. Alors, le monde du sport est-il en train de changer ? Décryptage.
La Une qui a relancé le sujet
Le mois dernier, le magazine hebdomadaire France Football a frappé un grand coup en transformant un sujet « classique » en véritable revendication. Pour illustrer un article qui donnait l’occasion à une trentaine de footballeurs de départager Ronaldo et Messi, le titre a dévoilé une Une mémorable, à savoir un dessin représentant les deux des joueurs de football les plus célèbres et les mieux payés au monde en train de s’embrasser langoureusement.
À l’heure où les deux joueurs sont systématiquement opposés l’un à l’autre en ce qui concerne leurs qualités de jeu comme leurs résultats sportifs, France Football a décidé de les rapprocher plus que jamais. Et cette Une est arrivée au moment juste puisque, depuis plusieurs semaines, de nombreux acteurs du football regrettaient l’émergence d’un manque de tolérance dans le sport. En effet, des chants homophobes ont été remarqués dans les stades français au cours de ces derniers mois, notamment à Lens.
La Une en question a provoqué de nombreuses réactions en tout genre. Alors qu’une grande partie du grand public a salué cette prise de position et ce message fort invitant à la tolérance et au respect des joueurs quels qu’ils soient, avec notamment l’association Urgence Homophobie qui a salué « l’intelligence » du titre, de nombreux internautes ont de leur côté violemment critiqué cette illustration à coup de messages homophobes. De quoi bien montrer que l’homophobie reste un problème important dans le sport, et particulièrement dans le monde du football. À ce sujet, un sondage commandé par l’association « Paris Foot Gay » a récemment révélé que le milieu du football professionnel était plus homophobe que la moyenne. En pratique, pas moins de 41% des joueurs de football auraient déclaré des pensées « hostiles » envers les homosexuels.
Dès lors, nombreux sont les médias qui ont décidé de s’emparer du sujet. Il y a quelques jours, France 2 a diffusé « Footballeur et homosexuel, au cœur du tabou », un excellent documentaire dans lequel le footballeur Yoann Lemaire explique avoir été contraint de mettre fin à sa carrière à cause de son orientation sexuelle.
Encore plus récemment, l’international français et Champion du Monde Antoine Griezmann s’est montré en Une du magazine Têtu en adoptant un discours net et direct : « L’homophobie dans le foot, ça suffit ». Le fait qu’un joueur de l’envergure d’Antoine Griezmann, très respecté et très populaire auprès de tous les Français et notamment les plus jeunes, appelle à la tolérance et à l’acceptation de l’homosexualité assumée dans le football et dans le sport en général montre bien que les grands noms du sport réclament du changement, dans le monde du sport comme du côté des supporters. Alors, la révolution est-elle vraiment en marche ?
Les mesures prises dans le monde du football
Depuis plusieurs mois déjà, bien avant la Une d’Antoine Griezmann et bien avant la Une de France Football, le collectif Rouge Direct, qui lutte contre l’homophobie dans le milieu sportif, a lancé une campagne qui cherche à mettre la pression à la Ligue de Football Professionnel pour qu’elle mette fin à la pratique des chants homophobes dans les stades. Malheureusement, on le sait, il est très compliqué de gérer des groupes entiers de supporters, surtout en ce qui concerne des chants, qui restent malheureusement souvent imprévisibles. Pour le moment, ce sont donc des sanctions a posteriori qui permettent de calmer les supporters ayant de mauvaises intentions.
En la matière, il y a quelques semaines, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a annoncé son intention de sanctionner les clubs de football dont les supporters profèreraient des injures homophobes. Avec une telle mesure, les fans de foot pourraient ainsi y réfléchir à deux fois avant de réitérer leurs propos injurieux. Par ailleurs, en marge de cela, des actions temporaires et symboliques sont aussi menées. Il y a quelques années, la LFP avait proposé aux joueurs de porter des lacets arc-en-ciel sur leurs chaussures lors d’un match.
Aussi, cette année, à l’occasion de la 37ème journée de championnat, qui se déroulait le jour et le lendemain de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, la LFP, en collaboration avec plusieurs organisations dont « SOS Homophobie » et « Foot Ensemble », a invité les arbitres, les coachs, les délégués de matchs et les capitaines des 40 équipes de Ligue 1 et de Ligue à porter un brassard arc-en-ciel en soutien à la lutte contre l’homophobie. Un beau message d’ouverture et de tolérance qui a été suivi à la lettre par bien des joueurs, dont le capitaine bordelais Jaroslav Plasil.
Malheureusement, tous les capitaines n’ont pas accepté de jouer le jeu. Comme le rapporte le journal Libération, à Caen, Lille et Lyon, ni le capitaine ni l’entraîneur n’ont porté de brassard. À Angers, Dijon, Monaco et Reims, le contrat n’a pas non plus été complètement respecté. En cela, on le voit, il est difficile de faire avancer le débat si même une action simple et temporaire n’arrive pas à engager tous les acteurs du monde du football. Avoir un discours uni et ferme n’est toujours pas simple…
L’homophobie présente dans d’autres sports que le football
Et cela vaut pour bien des sports au-delà du football, où un seul joueur professionnel est à ce jour ouvertement homosexuel (Anton Hysen, un Suédois). Alors que l’homosexualité devient (heureusement) un sujet de moins en moins tabou dans la société, avec notamment un accès au mariage pour tous qui a notamment permis d’avancer sur le sujet, il semble que le monde du sport reste une bulle au sein de laquelle l’homosexualité, et la différence dans son ensemble, reste mal acceptée. C’est exactement ce qu’a expliqué Michel Navion, responsable centre-ouest pour « SOS Homophobie », à France 3 : alors que les mentalités évoluent grandement dans les collèges et les lycées, les jeunes sportifs en formation manquent d’une certaine éducation. Ils sont aussi parfois sous l’emprise des traditions, notamment religieuses, ce qui les empêche d’imaginer que deux personnes de même sexe peuvent s’aimer. Dans ce contexte, la parole est moins libérée et l’homosexualité difficilement assumée.
Ce constat se vérifie à la fois dans les centres de formation des futurs footballeurs professionnels comme dans les clubs de basket-ball. En dehors de cela, l’homophobie est également très présente dans le monde du rugby. En novembre dernier, près de dix ans après son coming out, Gareth Thomas, ancien joueur du Stade Toulousain et ancien international gallois, était agressé dans sa ville « en raison de sa sexualité », comme il l’expliquait dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Il semblerait que l’homophobie soit en revanche quelque peu moins présente dans les sports individuels, comme l’athlétisme ou le tennis par exemple. On se souvient tous du coming out d’Amélie Mauresmo il y a vingt ans déjà, qui a sans aucun doute permis à bien des jeunes sportifs de l’époque d’assumer davantage leur propre sexualité. Il est grand temps que cela se produise également dans les sports collectifs.
Toutes les associations luttant contre l’homophobie sont d’accord sur un point : pour que l’homosexualité dans le sport soit plus acceptée et que l’homophobie recule, il faut que les grands sportifs, qu’ils soient footballeurs, rugbymen ou basketteurs, s’engagent contre ce fléau en assumant leur orientation sexuelle et/ou en respectant les homosexuels. En prenant la parole, des sportifs comme Antoine Griezmann, Gareth Thomas ou encore Amélie Mauresmo contribuent donc à faire évoluer les mentalités dans le bon sens. En la matière, une tribune baptisée « L’homophobie n’a pas sa place dans le sport » et signée par de nombreux grands sportifs comme Frédérick Bousquet, Arnaud Decaudin, Laura Flessel, Fabien Gilot, Romain Mesnil ou encore Florent et Laure Manaudou a aussi participé à mettre en lumière le problème d’homophobie dans le sport, en revendiquant « un sport tolérant et respectueux, un sport où chacun et chacune a la possibilité de s’épanouir ». On le voit donc, le sport ne manque pas de porte-paroles.
Enfin, des événements comme les Gay Games, à savoir les Jeux internationaux homosexuels dont la dixième édition s’est déroulée à Paris en août 2018, participent également à faire du sport un univers qui est ouvert aussi bien aux homosexuels qu’aux hétérosexuels. Lors de cette compétition qui mise sur un esprit convivial et festif avant tout, pas moins de 15 000 sportifs s’affrontent dans une quarantaine de disciplines. C’est un fait, l’homosexualité fait partie de l’univers sportif, et c’est tant mieux. Reste désormais à trouver le moyen de se débarrasser efficacement de l’homophobie pour que l’harmonie et le respect règnent plus que jamais dans ce milieu qui fait rêver tant de passionnés.